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Introduction

Dans la préparation physique archaïque des sports d’endurance, l’aspect du « renforcement musculaire » se limitait au gainage et à la mobilisation de charges légères pour de longues répétitions. Dans ces cas, l’objectif était plutôt d’apporter de la variété lors de l’intersaison, que de réelles adaptations physiologiques bénéfiques dans la discipline. Cette stratégie était influencée en partie par l’amalgame qui persiste encore entre développement de la force et prise de masse musculaire, renvoyant à l’idée que cette modalité d’entrainement était fatalement synonyme de prise de poids.

Sir Mo Farah et ses 4 titres olympiques ; Crédit photo : sweatelite.com

Quel intérêt de développer les niveaux de force dans des sports où ceux-ci ne sont pas des facteurs directs de performance (cyclisme sur route, ski de fond, fond, demi-fond, …) ?

Quel que soit la filière énergétique dominante, la vitesse que peut générer un athlète, représente son facteur de performance N°1. Qu’il s’agisse de sa vitesse maximale sur 100m, sur 800m, sur 42 km, sur 200 km. Le vainqueur sera toujours le plus rapide. Plus rapide en moyenne sur la distance (disciplines où les efforts sont réguliers) ou plus rapide sur les moments décisifs (disciplines où les efforts sont variables) ou les deux. Bien entendu nous excluons volontairement l’aspect stratégique.

Quel que soit le moyen de locomotion (cyclisme, course à pied, ski de fond), la vitesse de l’athlète est le résultat -entre autre- de la puissance qu’il produit (sur les pédales, sur le sol, sur les skis…).  C’est-à-dire le produit de la quantité de travail par unité de temps, ou de force x vitesse.

Principales formes de Force :

  • Force maximale concentrique : force absolue sur 1 répétition.
  • Taux de développement de la force (RFD ou force explosive) : laps de temps nécessaire pour atteindre le pic de force.
  • Force-vitesse : relation entre un niveau de force et la vitesse à laquelle il s’exprime (puissance).
  • Force-endurance : capacité à prolonger ou à répéter un certain niveau de force.

Elles dépendent de 2 facteurs physiologiques :

1.         Système neuro-musculaire : optimisation de la commande nerveuse et du recrutement des unités motrices (motoneurone + axone + ensemble de fibres musculaires innervées) ; synchronisation intra et inter musculaire.

2.         Hypertrophie : augmentation de la section des fibres musculaire et donc du potentiel de force.

Pour les sports où le poids de corps est une composante importante, il est nécessaire d’orienter le travail sur le 1er facteur afin de limiter l’hypertrophie. Une marge de progression importante est assurée par ce facteur avant d’avoir la nécessité de stimuler l’hypertrophie. Pour continuer à évoluer, celle-ci peut être envisager dans la limite du ratio poids-force.

Les bénéfices de cette modalité d’entrainement qui sont validés scientifiquement :

Amélioration de la Vitesse Maximale Aérobie

Les protocoles d’entrainement au-delà de 90% de 1RM diminuent le coût énergétique sans altérer le VO2max. Cela se traduit par une augmentation de la VMA pour un même VO2max.

(Millet et al., 2022)

Amélioration du temps limite à Vitesse Maximale Aérobie ou à Puissance maximale aérobie

L’amélioration de la force maximale permet d’augmenter le temps limite à VMA/PMA.

(Hoff & coll.,1999 & 2002)

Amélioration du cycle étirement raccourcissement

Le travail en pliométrie- autre forme de force- permet d’optimiser le cycle étirement raccourcissement, bénéfique à l’action motrice. Pour un coureur, ces bénéfices portent sur sa foulée, en particulier sur le temps de contact au sol.

(Slawinski et al. , 2006)

Qu’en est -il des interférences ?  

Le phénomène d’interférence, c’est la mise en concurrence de certaines adaptations physiologiques. Soyons clair, ce phénomène existe, mais il est, pour moi, surcoté. En ce qui concerne l’interférence entre l’entrainement de la force et l’entrainement aérobie, il s’agit d’une concurrence entre les enzymes propres à chaque processus. L’enzyme mTOR impliquée dans les processus d’hypertrophie musculaire verrait son activité inhibée par l’enzyme AMPK, impliquée dans l’augmentation des mitochondries, lors du développement aérobie.

(Kraemer & coll. 1985)

Ce phénomène n’empêche pas d’entrainer en parallèle les 2 qualités mais il contraint à adapter correctement la planification, en respectant l’ordre des entrainements et/ou les délais appliqués entre eux. 

(Schumann et al. , 2021).

Conclusion

Pour les sports d’endurance, il est nécessaire de consacrer, lors de l’intersaison, 2 séances ciblant les différentes formes de force, en jouant sur les facteurs nerveux et structuraux. En cours de saison, il suffit de maintenir 1 séance par semaine pour limiter la perte des gains obtenus en présaison. Ces séances se focalisent alors d’avantage sur les facteurs nerveux.

Pour ma part je construis toujours ces séances en 3 parties : efforts dynamiques (force-vitesse, force explosive) , efforts maximaux (force max), efforts répétés (force-endurance, renforcement, prehab).

PartieExerciceParamètres
1A
1B
Épaulé debout suspension
Pliométrie basse
5x 3
5x 6
2Back squat ¼ de flexion (Hanches au-dessus des genoux)3×2
3A
3B
3C
Dead bug
Gainage planche
Soulevé de terre roumain 1 jambe haltère 
3×10
3×50’’
3x 8/8
Exemple d’une séance type pour un coureur en cours de saison 

L’économie de course, l’optimisation de la foulée, et les bénéfices sur la fatigabilité en fin d’épreuve, qu’apporte l’entrainement de force au coureur à pied est transversale au cyclisme sur route, VTT, ski de fond…

Yoann Kowal (5e du 3000 steeple des JO de RIO 2016) prépare le marathon de Paris 2024. Au sein de ses séances de musculation, il combine les efforts dynamiques spécifiques, les efforts maximaux et le transfert à l’activité.  Crédit photo : Yoann Kowal.

Références

–           Hoff J, Gran A, Helgerud J. L’entraînement maximal en force améliore les performances d’endurance aérobie. Scand J Med Sci Sports. 2002 Oct;12(5):288-95. doi: 10.1034/j.1600-0838.2002.01140.x. PMID : 12383074.

–           Hoff J, Helgerud J, Wisløff U. Maximal strength training improves work economy in trained female cross-country skiers. Med Sci Sports Exerc. 1999 Jun;31(6):870-7. doi: 10.1097/00005768-199906000-00016. PMID: 10378915.

–           Effet d’un entraînement combiné en force et en endurance sur l’économie de course et la cinétique de la consommation d’oxygène. MILLET Grégoire, JAOUEN Bernard, BORRANI Fabio et CANDAU Robin. Med. Sci. Sports Exerc. 34 ; 8 1351-1359 2002

–           Jean Slawinski, Jacques Quièvre, Jean-Michel Lévêque, Richard Heubert, Bruno Gajer. IDENTIFICATION ET DEVELOPPEMENT DE LA FORCE SPECIFIQUE DU COUREUR DE DEMI-FOND. [Rapport de recherche] Rapport du Projet de Recherche n°03-051, Institut National du Sport et de l’Education Physique (INSEP). 2006. ffhal-01936312f

–           Kraemer WJ, Patton JF, Gordon SE, Harman EA, Deschenes MR, Reynolds K, Newton RU, Triplett NT, Dziados JE. Compatibilité de l’entraînement de force et d’endurance de haute intensité sur les adaptations hormonales et musculaires squelettiques. J Appl Physiol (1985). Mars 1995;78(3):976-89. doi: 10.1152/jappl.1995.78.3.976. PMID : 7775344.

–           Schumann M, Feuerbacher JF, Sünkeler M, Freitag N, Rønnestad BR, Doma K, Lundberg TR. Compatibilité de l’entraînement aérobie et musculaire simultané pour la taille et la fonction des muscles squelettiques: une revue systématique et une méta-analyse mises à jour. Sports Med. 2022 Mars;52(3):601-612. doi : 10.1007/s40279-021-01587-7. EPUB 2021 Nov 10. PMID : 34757594; PMCID : PMC8891239.